Pain : des baguettes plus courtes pour diminuer le gaspillage ?

gaspiEn France, la baguette, fleuron de la tradition boulangère, est aussi l’un des produits les plus gaspillés. Faut-il donc sacrifier quelques centimètres de tradition pour préserver quelques litres d’eau et une part de bon sens ?

Des baguettes par milliers dans les poubelles : l’ampleur d’un gaspillage silencieux

Impossible d’enrober la réalité : plus de 60 % des Français déclarent jeter du pain chaque année, selon une étude réalisée en mars 2025 par Too Good To Go via la plateforme Appinio. Plus inquiétant encore, 41 % des répondants avouent se débarrasser de plus d’une demi-baguette par mois, soit l’équivalent de six baguettes gaspillées par personne chaque année.

Le poids environnemental est tout aussi indécent : produire une seule baguette requiert 155 litres d’eau, l’équivalent d’une baignoire pleine. Et pourtant, une majorité continue à acheter plus que nécessaire. 58 % des consommateurs interrogés avouent acheter en trop grande quantité, quand 68 % indiquent que le pain devient trop sec avant d’être consommé. Autrement dit, on continue à nourrir les poubelles.

Faut-il rogner la baguette ? Entre polémique et pragmatisme

Too Good To Go n’impose rien. L’entreprise se garde bien de militer pour une baguette « light » : « Nous ne voulons pas réduire la taille de la baguette à tout prix. Seulement, nous partons d’un constat : de grandes quantités de pain sont jetées chaque année en France – et on en explique les raisons », explique un porte-parole de l’entreprise au magazine Le Point.

La proposition est simple : adapter la taille des baguettes à la consommation réelle. Certains y voient une forme de shrinkflation déguisée – moins de produit, même prix – d’autres une réponse logique à un problème quantifiable. Une baguette mesure entre 55 et 65 cm pour un poids de 200 à 300 g, mais rien dans la législation n’impose ce standard. De plus, il est généralement possible de demander une demi-baguette à son boulanger.

Changer les habitudes : recettes, congélation et pédagogie

Réduire la taille, soit. Mais pourquoi ne pas d’abord s’attaquer aux habitudes ? Seuls 59 % des Français pensent à congeler leur pain, selon cette étude réalisée par Appinio. Pire, à peine 36 % le réutilisent dans des recettes. Ce n’est donc pas le pain qui pose problème, c’est l’imagination qui fait défaut.

Too Good To Go a donc lancé une campagne intitulée « Notre pain, vous l’aimez ? N’en perdez pas une miette », relayée par plusieurs grandes enseignes (PAUL, Marie Blachère, Eric Kayser). Au menu : pain perdu, croûtons, chapelure maison, panzanella à l’italienne, ou même bière artisanale produite à partir de pain invendu, comme celle récompensée à La Motte-Servolex.

C’est là que l’initiative trouve sa pertinence : dans la pédagogie, pas dans la punition. Car derrière chaque baguette, il y a « des litres d’eau, un savoir-faire, le temps de travail du boulanger, celui de l’agriculteur », rappelle encore l’entreprise.

Et les boulangers dans tout ça ? Une filière déjà mobilisée

Il serait malhonnête de faire porter la responsabilité du gaspillage uniquement aux consommateurs. De nombreux boulangers innovent déjà, en proposant des pains au levain qui se conservent plus longtemps, ou en adaptant la taille et la nature de leurs produits.

La réalité, c’est que la filière n’a pas attendu pour agir. Le problème réside ailleurs : dans la culture de l’abondance, dans le refus de manquer, dans cette idée que jeter un morceau de pain n’est jamais grave. Sauf que, à l’échelle d’un pays, ce petit gaspillage devient une démesure.

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