La renaissance du train de nuit en France : entre record de fréquentation et freins majeurs
Le train de nuit en France a retrouvé une nouvelle jeunesse. Pourtant, ce succès reste freiné par des obstacles techniques et structurels importants.

Le train de nuit s’impose à nouveau sur le paysage ferroviaire français, attirant un nombre croissant de voyageurs. Pourtant, ce renouveau prometteur peine à s’étendre pleinement. Quels sont les ressorts de ce succès inattendu ? Quels obstacles freinent encore sa véritable expansion ?
Ce mode de transport, longtemps considéré comme obsolète, enregistre désormais une fréquentation record qui questionne sur son avenir. Porté par une demande croissante et des préoccupations écologiques accrues, le train de nuit fait peau neuve.
Un succès du train de nuit fondé sur une demande forte et durable
Depuis 2019, la fréquentation du train de nuit connaît une croissance spectaculaire, culminant à plus d’un million de passagers en 2024, soit une augmentation de 26 % par rapport à 2023 et plus du double par rapport à 2019. Cette dynamique s’explique principalement par la réouverture et la création de nouvelles lignes, mais aussi par l’attrait d’un mode de transport écologique face à l’avion et à la voiture.
Selon le Réseau Action Climat, une fédération regroupant des ONG environnementales comme WWF et Greenpeace, cette croissance représente un « effet réseau » puissant qui contribue à réduire les coûts et améliorer l’offre. « Augmenter le nombre de trains de nuit en circulation permet de faire des économies d’échelle considérables [avec] une mutualisation de la maintenance, une optimisation des correspondances, une meilleure connaissance de l’offre par les usagers », souligne cette organisation dans son rapport publié en mai 2025.
La fréquentation élevée ne se limite pas à un simple effet de mode. Le taux d’occupation moyen atteint 76 %, et peut grimper jusqu’à 86 % sur certaines lignes très demandées comme Paris-Toulouse, ce qui confirme un réel engouement des voyageurs pour ce type de transport nocturne.
Les freins au développement : un matériel roulant insuffisant et un réseau déséquilibré
Malgré ce succès indéniable, la relance du train de nuit reste « bridée », selon le Réseau Action Climat, par plusieurs contraintes majeures. La principale d’entre elles réside dans l’insuffisance du parc de voitures couchettes. Aujourd’hui, la SNCF ne dispose que de 129 voitures adaptées, un chiffre bien en deçà des besoins.
L’État, qui contrôle l’offre d’Intercités de nuit, a lancé en janvier 2025 un appel d’offres pour l’achat de 180 nouvelles voitures couchettes. Mais leur livraison n’est pas attendue avant 2030, ce qui limite la capacité à étendre l’offre rapidement. Le Réseau Action Climat recommande « d’activer la clause optionnelle de cet appel d’offres » afin de porter ce parc à 340 voitures au total, avec un objectif ambitieux de 600 voitures d’ici 2035. Ce volume permettrait de transporter environ 5,7 millions de passagers par an, soit six fois plus qu’actuellement.
Le manque de matériel bloque ainsi la création de nouvelles liaisons, qu’elles soient nationales ou internationales. Aujourd’hui, toutes les dessertes nocturnes passent par Paris, ce qui marginalise les axes transversaux pourtant très demandés. « Il n’existe tout simplement aucune connexion directe entre certaines grandes villes, encourageant les voyageurs à se déplacer en avion ou à faire une correspondance coûteuse », déplore le rapport du Réseau Action Climat.
Par ailleurs, le développement de lignes internationales demeure embryonnaire. À l’exception des liaisons Paris-Berlin et Paris-Vienne, les trains de nuit ne franchissent pas les frontières, alors même que plusieurs trajets aériens majeurs pourraient être remplacés par ce mode de transport. Le report modal sur les dix principales liaisons aériennes européennes pourrait concerner au moins six d’entre elles, dont Paris-Madrid, Paris-Barcelone ou Paris-Milan.
Train de nuit : Des obstacles à surmonter
Au-delà du matériel et du réseau, le train de nuit doit composer avec des contraintes liées aux infrastructures. Les travaux sur les voies, souvent réalisés de nuit, compliquent la circulation des trains et perturbent la régularité des services. Le rapport souligne que, « ces deux dernières années, un train de nuit sur six a été affecté par ces travaux, et ce ratio monte à un sur trois sur certaines lignes comme Paris-Tarbes ». Cette situation pousse certains voyageurs à renoncer à leur trajet ou à recourir à des solutions de remplacement comme les bus, fragilisant l’attractivité du train de nuit. Pour remédier à ce problème, le Réseau Action Climat préconise la création d’itinéraires alternatifs, la réalisation des travaux sur une seule voie et la réduction des plages horaires d’intervention, afin de préserver la circulation nocturne.
Enfin, l’investissement financier nécessaire à la rénovation et à l’extension du matériel roulant, ainsi qu’à l’adaptation des infrastructures, constitue un défi majeur. Le rapport rappelle que l’effet réseau attendu permettrait de réduire le coût par passager, mais cela suppose une montée en charge rapide et coordonnée.
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